Les splendeurs de la création 
( Ps 104 )
Bénis Yahvé, mon âme ! 
Yahvé, mon Dieu tu es si grand ! 
Vêtu de faste et d’éclat, 
drapé de lumière comme d’un manteau 
 
Tu déploies les cieux comme une tente, 
tu bâtis sur les eaux tes chambres hautes ; 
faisant des nuées ton char, 
tu t’avances sur les ailes du vent ; 
tu prends les vents pour messagers , 
pour serviteurs un feu de flammes.
Que c’est beau ce que chante le psalmiste ! Dans ce superbe poème, Tu apparais comme le créateur souverain, présent dans la nature bien qu’invisible : Tu brilles dans la lumière, cette énergie première, mystérieuse, nécessaire à toute vie et dont tu te pares comme du plus merveilleux des habits : Tu es dans la lumière; Tu t’étends dans l’azur, cet espace infini dans lequel je suis immergé avec tout le réel que Tu crées : Tu es dans le ciel ; Tu te tiens dans l’eau, cet élément sacré qui a permis ma naissance et qui continue d’abreuver mon corps : Tu es la source ; Tu sièges dans l’air et le vent qui Te transportent, Toi, le « spiritus » par nature, et qui me pénètrent, moi, par mon souffle, pour régénérer mon corps en permanence : Tu es l’Esprit ; Tu es là dans le feu, ce fluide impalpable qui distribue à profusion son ardeur ou qui me caresse de sa douce chaleur : Tu es le foyer. Partout Tu m’accompagnes. Partout Tu veilles. Partout Tu m’invites à Te rencontrer dans ton œuvre... 

Bénis Yahvé mon âme et rend lui grâce !
Tu poses la terre sur ses bases, 
inébranlable pour les siècles des siècles. 
De l’abîme tu la couvres comme d’un vêtement, 
sur les montagnes se tenaient les eaux ; 
à ta menace, elles prennent la fuite, 
à la voix de ton tonnerre elles s’échappent ; 
elles sautent les montagnes, elles descendent les vallées 
vers le lieu que tu leur a assigné ; 
tu mets une limite à ne pas franchir 
qu’elles ne reviennent couvrir la terre.
Tu es créateur mais aussi ingénieur car tu ne te contentes pas de faire sortir du rien, tu organises en fixant l’ordre et les lois qui permettront que ton entreprise pérennise. Tu allies la puissance à la sagesse, une puissance lente, douce, patiente, qui aura mis des millénaires de millénaires à établir la Terre sur ses bases d’aujourd’hui et qui la transformera encore pendant des millénaires de millénaires...  
Ta voix sépare l’humide du sec avec la même autorité que lorsqu’elle a fait surgir la lumière, aménageant des espaces pour l’un et l’autre : la fraîcheur ombragée de l’onde dans les vallées pour les rivières et le roc solide des montagnes pour les rives, la profondeur sombre des abysses pour les océans et la ferme étendue colorée pour les continents. Là encore je Te reconnais : qui d’autre que Toi pourrait réaliser des projets aussi admirables ? 

Bénis Yahvé mon âme et rend lui grâce !
Dans les ravins tu fais jaillir les sources, 
elles cheminent au milieu des montagnes ; 
elles abreuvent toutes les bêtes des champs, 
les onagres assoiffés les espèrent ; 
l’oiseau des cieux séjourne près d’elles, 
sous la feuillée il élève la voix. 
 
De tes chambres hautes, tu abreuves les montagnes, 
la terre se rassasie du fruit de ton ciel ; 
tu fais croître l’herbe pour le bétail 
et les plantes à l’usage des humains, 
pour qu’ils tirent le pain de la terre 
et le vin qui réjouit le cœur de l’homme, 
pour que l’huile fasse luire les visages 
et que le pain fortifie le cœur de l’homme. 
 
Les arbres de Yahvé se rassasient, 
les cèdres du Liban qu’il a plantés ; 
c’est là que nichent les passereaux, 
sur leur cimes la cigogne à son gîte ; 
aux chamois les hautes montagnes, 
aux gerboises l’abri des rochers. 

La terre nourricière, ta géniale invention, à laquelle tout être s’alimente ! Avec elle, l’autarcie est possible,  et nous triomphons de l’isolement auquel est condamné notre tout petit globe, perdu dans l’immense univers. 
 
Tu as tout prévu pour notre confort : une température douce malgré quelques écarts, l’eau en abondance pour irriguer les cellules vivantes, des lieux innombrables où chacun peut installer son gîte, et enfin, surtout, de la nourriture en abondance si l’on sait partager, tant pour les végétaux que pour les animaux et les hommes... 
 
Cette Terre, notre patrie, devient dès lors aussi notre mère, au sens propre du terme puisqu’elle nous alimente : nous ne sommes pas orphelins dans ce monde. 
 
Jésus, dans son discours après la Cène, disait : « Je ne vous laisserai pas orphelins » ( Jn 14, 18 ). Mais nous ne sommes pas orphelins ! Nous ne l’avons jamais été : nous avons un Père, Toi, et une mère, la Terre, tous deux, depuis l’origine. Mais encore faut-il avoir des yeux pour le voir...
 
Bénis Yahvé mon âme et rend lui grâce !
Tu as fait la lune pour marquer les temps, 
le soleil connaît son coucher ; 
tu poses la ténèbre, c’est la nuit, 
toutes les bêtes des forêts s’y remuent, 
les lionceaux rugissent après la proie 
et réclament à Dieu leur manger. 
 
Le soleil se lève, ils se retirent 
et vont à leurs repaires se coucher ; 
l’homme sort pour son ouvrage,  
faire son travail jusqu’au soir. 
Que tes œuvres sont nombreuses, Yahvé ! 
Toutes avec sagesse que tu fis,  
la terre est remplie de ta richesse.
Chaque chose en son heure sur la face de la terre : Tu y as déterminé la liste des successions selon un rythme bien réglé orchestré par les grands astres. Ce rythme, je l’ai dans mes gènes : moi aussi j’ai besoin de la nuit pour dormir ; et moi aussi j’ai besoin du jour pour m’animer. 
 
Le temps est une bien curieuse trouvaille dans laquelle je suis plongé: il suit ma croissance depuis mon origine, il m’accompagne dans tout ce que je suis et fais. Le jour venu, il sonnera aussi mon départ, et celui de chacun de mes frères les hommes. Il assistera à la disparition de la Terre, au trépas de notre étoile, le Soleil, à l’éclatement de la Voie lactée, lors de sa collision probable avec la galaxie d’Andromède, à la fin, sans doute même, de l’Univers en son entier... Car c’est la loi de l’existence que tu as inscrite au cœur de tout être : naître, croître et s’éteindre. 
 
Le retour au néant est pour nous,  créatures douées de raison,  un grand mystère, chargé d’incompréhension,  voire de rébellion pour certains : notre nature aspire à ta perpétuité. Mais, Tu le sais, c’est cela les enfants :  ils en redemandent toujours plus... 
 
Jésus nous l’a promise cette vie sans fin, avec Toi, dans votre royaume. Cela aussi est un grand mystère. Mais, pour ma part, j’aime à l’espérer car j’ai envie de toujours grandir, de découvrir sans fin et aussi de te rencontrer, Toi l’Éternel, en face à face... 

Bénis Yahvé mon âme et rend lui grâce !
Voici la grande mer aux vastes bras 
et là le remuement sans nombre 
des animaux petits et grands ; 
là des navires se promènent 
et Léviathan que tu formas pour t’en rire. 
 
Tous ils espèrent de toi 
que tu donnes en son temps leur manger ; 
tu leur donnes, eux ils ramassent 
tu ouvres la main, ils se rassasient. 
 
Tu caches ta face, ils s’épouvantent, 
tu retires leur souffle, ils expirent, 
à leur poussière ils retournent. 
Tu envoies ton souffle, ils sont créés 
tu renouvelles la face de la terre.
La vie grouille en abondance sur la Terre, sur le sol comme dans la mer : quand Tu donnes, c’est à profusion.  Elle foisonne autour de moi ; je m’en rends compte surtout quand je suis à la campagne ; tout se multiplie : les herbes, les fleurs,  les feuilles sur les arbres à chaque printemps, les insectes dans la prairie, les oiseaux qui gazouillent dans les branches, les grands animaux dans les fermes... 
 
Et, ce qui me surprends toujours, le psalmiste a raison, chacun trouve sa pitance grâce aux lois de l’écologie. En dehors des hommes,  aucun vivant ne sème ni ne moissonne : l’instinct fait confiance à la nature telle que Tu l’as mise en ordre. 
 
Les agriculteurs eux aussi d’ailleurs, s’en remettent aux lois de la Terre pour pratiquer leur art ; ils en dépendent complètement même avec les techniques de pointe d’aujourd’hui. 
 
Et c’est encore plus vrai pour les gens des villes qui sont entièrement assujettis à ce qu’ils trouvent sur les étals des marchés ou dans les rayons des magasins, pour manger, se vêtir, agencer leur maison et se procurer tout ce dont ils ont besoin pour leur vie. 
 
Il existe, en fait, dans notre société humaine, une interdépendance des nécessités et des attentes qui en dernier ressort, même si l’on n’en n’a pas toujours conscience, est tournée vers Toi. « Tous,ils espèrent de Toi ».
 
Mais gare, Léviathan rôde, pour fausser le jeu : les dérapages sont possibles et malheureusement réels. Il y en a qui, comme s’est arrivé en Éden,  veulent tout manger, par eux-même, sans rien n’attendre de Toi ni de leurs frères. La règle fondamentale est trahie et il convient alors, pour se protéger, de se défendre. Le jardin se transforme en jungle et la vie devient dure, dure, très dure... 
 
Agis comme tu peux  mais ardemment, mon âme, pour réparer à ton échelle la splendeur de la création contre ceux qui la dévoient. Même si tu ne fais que des petits pas, avec le souffle de Yahvé  « tu renouvelles la face de la terre »... 

Bénis Yahvé mon âme et rend lui grâce !
Tu caches ta face, ils s’épouvantent,  
tu retires leur souffle, ils expirent, 
à leur poussière ils retournent. 
Tu envoies ton souffle, ils sont créés, 
tu renouvelles la face de la terre. 
 
A jamais soit la gloire de Yahvé, 
que Yahvé se réjouisse en ses œuvres ! 
Il regarde la terre, elle tremble, 
Il touche les montagnes, elles fument ! 
 
Je veux chanter à Yahvé tant que je vis, 
je veux jouer pour mon Dieu tant que je dure. 
Puisse mon langage lui plaire, 
moi j’ai ma joie en Yahvé ! 
Que les pécheurs disparaissent de la terre, 
les impies, qu’il n’en soit jamais plus ! 
 
Bénis Yahvé, mon âme ! 

C’est à nouveau ta puissance que loue ici le psalmiste. Il emploie des mots et des images qui suggèrent Ta force  mais qui peuvent aussi apeurer. Oui, notre faiblesse est absolue  devant la mort, la souffrance  et le déchaînement de la nature : les tremblements de terre, les éruptions volcaniques, les tornades et les ouragans, les tempêtes et les tsunamis, sans oublier les microbes ou les bactéries avec leurs multiples maladies et la dégénérescence des corps ou leurs dysfonctionnements...  
Quand la nature gronde ou se dérègle nous sommes bien petits... 
 
Le jour où j’ai vraiment pris conscience de cette situation une période de crise a commencé pour moi. Ce fut véritablement ma nuit, Tu te souviens ? J’étais constamment sur le qui-vive, Ta création n’était plus du tout splendide à mes yeux, au contraire, tout était miné par le néant et je me révoltais contre Toi. Je ne comprenais pas pourquoi Tu nous donnais l’existence  pour ensuite nous la retirer. Qu’étais-je donc ?  Plus rien, ma vie était une farce atroce... Je trouvais cela très injuste et cruel. Je me suis alors détourné de Toi, en colère, maudissant cette condition absurde dans laquelle Tu m’enfermais. Cela a duré longtemps... Le temps de ma maturation... 

N’en pouvant plus, j’ai décidé un jour  d’entamer un voyage en moi-même, pour retrouver mon énergie et une raison de me tenir droit en ce monde. J’ai cherché, cherché, cherché... Et finalement j’ai trouvé : je refusais ma contingence mais cette attitude était puérile ; je serai vivant jusqu’à la dernière seconde et il valait mieux que je vive à plein l’instant présent, en accueillant, au jour le jour, ce qui s’offrait à moi, et en m’acceptant, moi, comme être fini et mortel. 
 
J’ai découvert alors ce que c’est que l’humilité : pas ce comportement servile  de la personne qui baisse les yeux en permanence, qui n’ose pas,  qui se cache derrière son effacement, mais la conduite de quelqu’un qui se connaît, qui a conscience de ses plus et de ses moins, qui ne cherche pas à se faire valoir mais qui tient à devenir le plus possible lui-même, avec modestie, dans l’assurance de soi... 
 
C’est cela qui m’a sauvé : j’ai retrouvé ma vigueur, j’ai pu à nouveau relativiser, j’ai recommencé à admirer la nature et les étoiles, j’ai renoué avec mes frères et je me suis remis à Te regarder dans les yeux, sans crainte, avec confiance et affection. 
 
En fait je m’étais éloigné, je t’avais perdu, mais Toi, Tu étais resté à veiller près de moi, fidèle, sans jamais m’abandonner. Une épreuve, j’en ai fait ainsi l’expérience, pourvu qu’on l’aborde posément en face,  avec courage et détermination, permet, au bout du compte, grâce Ta présence et à notre constance, un dépassement qui nous ouvre  et nous rend plus fort pour demain. 
 
Aujourd’hui c’est sur ces rails que je roule :  je continue à Te chercher en méditant la Bible et en admirant ton univers. Je partage nos découvertes avec ceux de mes frères qui suivent la même direction. Je consacre un peu de mon temps  pour venir en aide à ceux qui en ont besoin et pour partager avec eux ce que j’ai eu la chance de recevoir. Enfin, aussi, j’attends sereinement l’heure de Te rencontrer : je te chanterai ma joie d’avoir tant hérité et je Te renouvellerai un immense merci pour m’avoir permis d’être... 
 
Bénis Yahvé mon âme et rend lui grâce !