« Dieu », tout d’abord, est un mot que je n’emploie plus, comme je l’indique dans un autre de mes textes car il ne correspond pas, selon moi, au nom que le Très Haut lui-même se donne dans la Bible. Quand Moïse au buisson ardent pose la question à l’Être qui se révèle à lui la réponse est mystérieuse mais ce n’est pas « Dieu » : c’est « Èhiè ashèr èhiè ! Je suis qui je suis ou Je serai qui je serai » ( Exode 3, 14 ). Cette périphrase est reprise tout au long des écritures sous une forme un peu différente mais équivalente : « Yahvé » et même plus précisément sous la forme du tétragramme hébreu « YHVH ».
Par respect de la transcendance du Tout Autre, les juifs s’interdisaient de prononcer ce nom tellement ils le considéraient comme sacré. Or, la tradition chrétienne occidentale s’est permis une chose incroyable : remplacer ce nom propre par un autre substantif « Dieu » qui n’a rien d’équivalent et qui dénature profondément Celui qu’il désigne. En effet le mot Dieu vient du mot latin Deus, lui-même tiré du nom commun deus par lequel on désignait les différents dieux du panthéon romain ainsi que les différentes divinités des peuples conquis de l’empire. En d’autres termes deus est l’appellation des déités païennes. Comment a-t-on pu, dès lors, oser choisir ce mot, même en lui mettant une majuscule, pour désigner le Créateur ! C’est un véritable blasphème d’autant que Yahvé, par la bouche de ses prophètes, s’est constamment insurgé contre les tentations idolâtres de son peuple qui avait tendance à faire siens ces faux dieux !
Non, pour ma part je n’avalise pas cette déplorable substitution. Je préfère, de loin, rester fidèle à la tradition biblique et appeler « Yahvé », Celui en qui je crois. Ce faisant, je suis conscient que déjà je fais une entorse à la pensée de l’Ancien Testament puisque je n’hésite pas à l’invoquer par son nom alors que, comme je viens de le dire, on se l’interdisait radicalement par respect de son absolue transcendance. Mais je préfère agir ainsi plutôt que d’employer un nom issu du paganisme, qui ne veut rien dire et qui gomme complètement toute la richesse du nom hébreu dont la racine est le verbe « être » c’est-à-dire la forme la plus adéquate pour exprimer la nature du Très Haut : Il est l’Être suprême, Celui qui donne l’être et l’existence à tout, qui crée et qui soutient dans l’être tout le réel au milieu duquel nous vivons. Non vraiment je ne comprends pas saint Jérôme qui a engendré ce glissement très regrettable dans sa traduction de la Bible en latin ( pas plus d’ailleurs que les Septantes qui ont fait la même chose pour leur traduction en grecque, remplaçant « Yahvé » par Théos ).
« Je crois en Yahvé », ou plus exactement même « J’ai foi en Yahvé », sont donc les formulations que personnellement j’emploierais pour exprimer mon credo aujourd’hui.
J’en viens maintenant à la seconde expression qui m’incommode dans la proclamation : « tout puissant ». Je comprends parfaitement que Yahvé, en tant que Créateur du réel visible et invisible, puisse être qualifié de « tout puissant » : quand je considère la Terre avec ses dimensions colossales et le monde des vivants qu’elle abrite ; quand je regarde le ciel un jour de grand soleil en me souvenant que ce dernier est notre étoile, qu’il bouillonne en permanence d’une énergie considérable ( plusieurs millions de degrés en son cœur ) due à la fusion de ses atomes d’hélium, qu’autour de lui gravitent neuf planètes et une multitude d’astéroïdes, dans un mouvement plus précis qu’une horloge, cela depuis des millions d’années et pour encore des millions d’années ; quand je vois la nuit les myriades d’étoiles dans le ciel, chacune équivalente à notre soleil et constituant la Voie Lactée, notre galaxie, et que je sais qu’il existe des milliards de galaxies dans l’univers... je ne peux pas m’empêcher de penser combien, en effet, est puissant Celui qui a mis tout cela en place et qui continue à le maintenir en acte !
Dans ce sens l’expression du Credo pourrait me convenir et c’est d’ailleurs l’image sous laquelle que je me représentais Celui que j’invoquais lorsque, autrefois, je proclamais ma foi. Mais je suis plus sensible aujourd’hui à une autre figure du Très haut : s’Il a planté un tel jardin c’est pour y faire vivre ses créatures. En particulier pour les humains que nous sommes, Il souhaite nous donner cette nature pour que nous puissions y vivre heureux, que nous nous y épanouissions dans la paix, que nous y évoluions « rassasiées d’années » comme cela est souvent écrit par les auteurs inspirés. Ce don est fabuleux : c’est la jouissance d’exister avec une conscience et une liberté, « à notre réplique, selon notre ressemblance » dit la Genèse ( Gen.1, 26 ). Plus tard Jésus nous annoncera une nouvelle encore plus merveilleuse : le Père a le projet de nous faire partager, si toutefois nous y consentons, sa divinité même !...
Pourquoi de tels cadeaux ? Nous n’avons aucun droit à y prétendre, ils sont absolument gratuits ! La réponse à laquelle je crois : c’est parce que Yahvé nous aime follement, « divinement ». On est loin ici de la toute-puissance écrasante que suggèrent de nombreux passages des Écritures et de certaines réalités de notre contingence, qui pourraient laisser penser qu’Il peut d’abord être terrible et que nous devons avant tout le craindre.
Mais je pense aussi aujourd’hui que le Créateur a inscrit des lois au cœur de la matière et du vivant, que ces lois Il les a voulues intangibles, même pour Lui-même, qu’Il se contraint à les respecter sous peine de se renier. Je pense en particulier au don de la liberté qu’Il a accordé aux humains que nous sommes, faculté extraordinaire, qui nous permet d’agir selon nos propres décisions, même si celles-ci vont à l’encontre de ce que Lui-même souhaite ou projette pour nous. En ce sens, alors, je ne peux plus dire que le Père est tout puissant : il respecte ses créatures ( de même qu’Il respecte les lois naturelles ) et c’est bien ainsi. Sa puissance, selon moi, réside dans cette constance, dans ce respect : Yahvé ne change pas, Il reste fidèle à Lui-même et à la logique de ses actes créateurs. Et il faut être très puissant sur soi-même pour se maintenir sans faiblir, quoi qu’il en coûte, dans les décisions que l’on a prises.
De plus, et dans la même perspective, je crois pour ma part, que sa toute puissance réside aussi dans ce qu’Il a inscrit au cœur des humains non seulement le pouvoir de poser des choix ( d’être libre ) comme je viens de le dire mais aussi et surtout de jouir de la faculté de faire retour sur eux-mêmes, de se reprendre s’ils ont fait fausse route et de rebondir pour repartir dans une nouvelle direction quand ils sont tombés, quand ils sont anéantis ou quand ils ont failli. Yahvé nous comble de sa « grâce » - c’est-à-dire de sa vie - en permanence : Il nous donne de la force et de la lumière en toute circonstance ( pourvu que nous nous tenions disponibles pour les percevoir, les accueillir et les accepter ), cela en abondance et sans regret, de telle sorte que nous puissions y puiser autant que de besoin. S’il y a de la toute puissance quand on parle de Lui c’est là qu’il convient de la placer : son pouvoir ce n’est pas de nous obliger ou de nous punir ( même si nous avons commis le mal ), c’est, dans la logique de sa création, de nous accompagner dans notre devenir pour que nous soyons souverains sur nous-mêmes pour avancer vers notre bien, comme Lui, par et grâce à Lui.
Enfin, la toute-puissance de Yahvé, je la vois aussi et surtout dans l’immense affection qu’Il nous porte, à nous, ses créatures :
Il aime la Terre, Il aime le ciel et tout ce qui s’y trouve, les soleils-étoiles, les planètes, les exoplanètes que nous ne connaissons pas encore, les nébuleuses, les quasars, les trous noirs, la matière noire notre grande inconnue, Il aime la mer et les océans, Il aime la glace et les déserts,
Il aime l’herbe, Il aime les fleurs, Il aime les arbres, Il aime les pinsons, les rouge-gorges, même les corbeaux ou les vautours, Il aime les lions, Il aime les tigres, Il aime les éléphants et les hippopotames, les lézards et les serpents, même celui de la Genèse puisque cet animal était présent en Eden, Il aime nos chats, Il aime nos chiens tout autant que nous les aimons nous mêmes et peut-être même plus,
Il aime les femmes, Il aime les hommes, Il aime les noirs, Il aimes les blancs, Il aime toutes les couleurs de peau sans distinction, Il aime les riches, Il aime les pauvres, sans doute un peu plus ceux là car ils en ont besoin, Il aime les courageux, les volontaires, les travailleurs, les idéalistes aussi car Il sait que les utopies sont nécessaires pour faire progresser le monde, Il aime les savants et les ignorants, les attentifs et les étourdis, même les poètes dans leurs monde plein de rêves, Il aime les bien portants mais aussi, et surtout, les malades qui souffrent sans comprendre toujours pourquoi, ceux qui sont dans la joie mais aussi d’abord ceux qui sont dans la peine et qui se désolent...
En fait, pour bien dire, la liste n’étant ni exhaustive ni close, Il aime tout ce qu’Il a créé car c’est par amour qu’Il l’a fait et qu’Il est tout-amour, par nature, avant d’être tout-puissant. La toute-puissance de Yahvé c’est sa force illimitée d’aimer.
Tu es grand Yahvé,
Mais surtout Tu es infiniment bon;
Tu es fort Yahvé,
Mais surtout Tu es infiniment attentif
Et affectueux ;
Tu as le mal en horreur
Et Tu serais naturellement porté
A le châtier sans pitié,
Mais surtout Tu es inépuisablement miséricordieux
Et patient :
Tu es prêt à tout pardonner
Pourvu qu’on soit sincère, enclin à se reprendre
Et qu’on y travaille sans renoncer ;
Tu rejettes les tièdes
Car ils vivent sans passion,
Dans une sorte de médiocrité
Dont ils se contentent,
Mais surtout Tu élèves les humbles
Car ils brillent dans l’ombre
D’une ardeur secrète
Que Toi Tu décèles :
Ils connaissent leurs limites,
Ils les acceptent sans se gonfler,
Et s’appuient sur elles
Pour se hausser en silence
Vers les sommets ;
Tu les chéris
Car ils sont parmi les plus beaux joyaux
De tes œuvres ;
Tu ne te fâches pas
Même si on Te contrarie
Ou si on T’offense :
Car Tu sais que la liberté
Requiert un long apprentissage,
Avec des hauts et des bas,
Des avancées et des reculades,
Des essais-erreurs formateurs,
Qui Te font mal,
Mais qui sont nécessaires
A notre humaine nature
En recherche,
Hésitante,
Aveugle,
Obstinée,
Et faible, en fait,
Sous ses apparences fanfaronnes ;
Pour nous aider,
Tu nous as communiqué
Des règles simples :
Tes commandements,
« Les dix commandements »,
Qui ne sont que des éclairages ;
Mais que les responsables ont rigidifiés
Et assortis de menaces
Si on y manquait :
Le résultat c’est que ton image
S’en est trouvée ternie et déformée,
Jusqu’à faire de Toi
Le grand juge
Alors que Tu es d’abord le Père ...
L’enfer, le feu, les tortures,
Au lieu du pays où « coule le lait et le miel »,
La punition
Au lieu du pardon
Auquel Tu es pourtant porté d’abord
Si notre cœur se retourne ;
Et comment pourrait-on se convertir vraiment
Si Tu apparais
Comme le « Dieu Tout-Puissant Vengeur » ?
La peur n’est pas l’amour,
Elle n’est pas Toi,
Elle est le contraire de Toi !
Elle nous éloigne de Toi !
Par contre,
Tu n’es pas non plus faiblesse :
On ne doit pas se tromper.
L’indulgence et l’affection
Se méritent ;
Si les cœurs ne sont pas purs
Ils ne Te voit pas :
« En marche, les cœurs purs !
Oui, ils verront Elohîms ! » ( Mathieu 5, 8)
Si nos cœurs restent secs,
On ne Te comprend pas,
On se désole
En Te maudissant parfois même.
Mais si on te cherche loyalement
On finit par Te trouver
Et l’on découvre qu’en effet
Ta bienveillance et Ta délicatesse envers nous
Sont des forces immenses
Qui peuvent nous faire
Transporter des montagnes ...
Tu nous as envoyé Jésus
Qui nous a expliqué,
Qui nous a montré,
En allant jusqu’au bout,
Au delà du possible.
Il s’est malheureusement heurté à l’adversité
Comme cela arrive fréquemment pour les justes.
Mais il n’a pas renoncé.
Malgré un apparent échec,
Il est vivant aujourd’hui,
Et nous tonifie par son Évangile
Qui relaye formidablement
La parole de tes anciens prophètes ;
Son message nous ouvre des perspectives inouïes
Pour vivre encore plus près de Toi,
Tous ensemble,
En une grande famille,
Dans Ta chaleur,
Dans Ta tendresse,
Dans Ton intimité,
Dans Ta divinité ...
Ta toute puissance de créateur
Remodèle ainsi notre existence :
Un monde nouveau nous est promis,
Une renaissance s’annonce,
Si nous nous laissons envahir
Par Ton Esprit
Par Ton amour,
Qui renouvelle
Dès maintenant,
La face de la Terre.
Tu es grand Yahvé,
Tu es bon,
Tu nous aimes,
Et toute Ta création,
Moi compris,
Chante des louanges
A Ta gloire !